Les spiritueux passent enfin au vert !

Encore restreinte, l’offre de spiritueux bio ne cesse de se développer. Pour certaines jeunes micro-distilleries, le bio est d’ailleurs au cœur de leur projet. Du côté des distilleries historiques, qu’elles produisent du whisky, du rhum ou du gin, elles sont de plus en plus nombreuses à s’être engagées dans une production plus respectueuse de l’environnement.

Qu’est-ce qu’un spiritueux bio ?

Selon la réglementation européenne n°834/2007 du 28 juin 2007, pour être bio, un spiritueux doit être élaboré avec au moins 95 % d’ingrédients bio. Les OGM sont totalement interdits, même pour les 5 % d’ingrédients non bio autorisés.

État des lieux du marché des spiritueux bio en France

Les boissons alcoolisées représentent près de 15 % des ventes de produits bio en France : un chiffre qui a pratiquement doublé ces dernières années.99 % de ces boissons alcoolisées bio sont des vins.La part de marché des spiritueux bio en France est estimée à seulement 0,33 %.

(source Fédération française des spiritueux)

Pourquoi les spiritueux sont en retard en matière de bio ?

  • Le bio dans les spiritueux est un sujet compliqué. Peu d’études se sont véritablement penchées sur les conséquences de la distillation et il est aujourd’hui encore difficile de savoir si les résidus de pesticides disparaissent ou se concentrent lors du passage dans l’alambic. Par ailleurs, le profil aromatique d’un spiritueux bio ne serait pas réellement différent de celui d’un non bio.
  • Quelles que soient les catégories de spiritueux, la majorité des producteurs n’a pas une « approche agricole » de la matière première. La plupart d’entre eux achètent l’orge, la mélasse, les baies de genièvre ou encore les pommes de terre qui vont donner naissance à leurs cuvées et sont donc moins sensibles au bio.
  • Jusqu’à présent, les consommateurs n’étaient pas très demandeurs de spiritueux bio. Ils étaient davantage intéressés par la région de production, l’âge ou le type de fûts utilisés pour le vieillissement. Mais les temps changent ! Aujourd’hui, comme le prouvent les résultats du baromètre Ipsos-Whisky Live Paris 2021 récemment dévoilés, la dimension éco-responsable des spiritueux est un facteur de plus en plus important dans l’acte d’achat.

Pour quelles raisons les spiritueux bio sont plus chers ?

  • Produire des spiritueux bio a un coût. Par exemple, le prix de l’orge cultivée en bio est deux fois plus élevé que celui de l’orge cultivée de façon conventionnelle. Il faut savoir également que le rendement de l’orge cultivée en bio est deux fois moins important que celui de l’orge cultivée de façon conventionnelle. C’est naturellement le cas pour toutes les matières premières bio destinées à élaborer des spiritueux.
  • Qu’il s’agisse des importateurs, des distributeurs ou encore des grossistes, pour commercialiser des spiritueux bio, ils doivent être certifiés ECOCERT. Cela implique des contrôles réguliers auxquels ils doivent se soumettre et une partie administrative inhérente à gérer. Autant dire du temps de travail supplémentaire pour tous ces professionnels de la distribution qui se répercute naturellement sur les prix.

Eau-de-vie, Rhum et Whisky biologiques : une offre en plein développement

Malgré les freins évoqués, la production de spiritueux bio ne cesse de prendre de l’ampleur, quelles que soient les catégories.

  • Le bio se développe dans le monde du whisky, notamment en Écosse, où la Scotch Whisky Association a mis en place un ambitieux programme dont l’objectif est de réduire de façon conséquente l’empreinte carbone de son industrie. Des distilleries comme Benromach, Loch Lomond, Bruichladdich ou encore Deanston ont déjà lancé des cuvées bio. En France également des producteurs de whisky comme le Domaine des Hautes Glaces, Warenghem, Ergaster ou Sequoia misent sur le bio. C’est aussi le cas en Irlande avec Waterford, en Suède avec Mackmyraet aux États-Unis avec Westland ou Journeyman.
  • Le biologique a également fait son entrée dans l’univers du rhum et, en la matière, les rhums agricoles ont ouvert la voie avec la distillerie martiniquaise Neisson comme pionnière. Depuis, Saint James mais aussi la distillerie guadeloupéenne Bologne ont suivi le même chemin. Au Paraguay, les rhums Fortin et, au Brésil, le rhum Copalli et la cachaça Abelha sont également passés en bio.
  • Le bio est aujourd’hui au rendez-vous de toutes les catégories de spiritueux. Le célèbre pastis Ricard a ainsi lancé deux références bio. Les vodkas françaises Le Philtre et Madame Vodka, la distillerie alsacienne Nusbaumer qui, en plus de ses eaux-de-vie de fruits élabore des gins et un aquavit, ou encore le gin allemand Brick Gin ont également fait le choix du bio.

Une véritable prise de conscience de l’industrie de l’alcool fort

Au-delà du bio, un très grand nombre de distilleries, partout dans le monde, a mis en place d’importantes actions de RSE. Leur objectif ? Réduire leur consommation d’eau et leurs émissions de CO2, privilégier l’utilisation d’énergies propres, améliorer leur gestion et le recyclage des déchets. Il faut dire que la production de spiritueux et digestifs est particulièrement énergivore. Elle sont également nombreuses à avoir adopté des packaging plus responsables. Vous l’aurez compris, dans le monde des spiritueux, la révolution éco-responsable est en marche.

Cécile Fortis. Octobre 2021.