Vin Blanc Chenin : Un Cépage en Quête d’une Nouvelle Valorisation

Découvrez le chenin, un cépage associé au Val de Loire, qui permet de produire des vins blanc secs, moelleux, liquoreux et même des effervescents. 

Le chenin s’en va-t-en guerre

© Vins de loire

Quand on parle du chenin, on emprunte d’emblée les chemins qui sillonnent le vignoble angevin. Entre Tours et Angers, le Val de Loire a fait la part belle à ce cépage blanc. Identitaire de l’Anjou, on le retrouve également en Languedoc et de l’autre côté du globe surtout en Afrique du Sud et en Califonie, dans une moindre mesure en Argentine, au Chili, enAustralie, en Nouvelle-Zélande. Mais dans l’Hexagone, malgré sa grande adaptabilité à de nombreux sols et à des vinifications différentes, ce cépage précoce qui souffre du dérèglement climatique est de plus en plus concurrencé par le chardonnay ou les rosés. Pourtant mondialement connu, il ne progresse pas non plus dans les autres vignobles mais se bat pour une nouvelle valorisation sur ses terres d’origine.

Du savagnin au steen

Le chenin a plus d’une surprise dans son cep. Ce cépage associé au Val de Loire, à telle enseigne qu’il est surnommé le pineau de la Loire ou encore fin pinet d’Anjou, descend en fait du savagnin jurassien. Mais il est bien né en terre ligérienne. Il a d’abord été planté au début du Moyen-Âge entre Saumur et Angers par les moines de l’abbaye de Saint-Maur de Glanfeuil. Rabelais dans son Gargantua, Diane de Poitiers dans ses registres de comptes en parlent déjà au milieu du XVIe siècle. Il s’accommode fort bien de terres sableuses, schisteuses ou argileuses mais il affectionne particulièrement les sols crayeux de tuffeau, ce sol dont on a extrait les pierres blanches pour bâtir les châteaux de la Loire.

II quitte son berceau et part dans les bagages des Huguenots fuyant la France après l’abrogation de l’Edit de Nantes en 1685 pour aller s’installer en Afrique du Sud. Rebaptisé « steen », il y a si bien prospéré qu’il représente aujourd’hui plus du double des surfaces angevines (25 000 hectares) et près de 30 % du vignoble, produisant pendant longtemps des gros volumes peu qualitatifs. Aujourd’hui, le chenin sud-africain à moindres rendements sait aussi offrir de grands vins.

En sec, effervescent, moelleux ou liquoreux

© FHermine

Avec 10 000 hectares dans l’Hexagone dont plus de 90 % en Val de Loire et en particulier dans le Maine-et-Loire, le chenin ne représente que 4 % de l’encépagement de l’Hexagone. Présent dans une vingtaine d’appellations, il profite avant tout de la douceur angevine pour produire des vins tranquilles en Saumur, Coteaux de Saumur, Anjou, Savennières mais également plus en amont de la Loire, en Chinon, Touraine, Coteaux-du-Loir, Montlouis et Vouvray.

Mais le chenin est multicartes puisqu’il se vinifie aussi en effervescents (Saumur Brut, Crémant de Loire, Vouvray, Montlouis), en progression constante, et en moelleux-liquoreux sur les magnifiques terroirs de Bonnezeaux, Quarts-de-Chaume, Coteaux-de-l’Aubance et Coteaux-du-Layon. Il a su également se faire une petite place au soleil du Languedoc dans les crémants de Limoux en complément du chardonnay, en blanquette de Limoux associé au mauzac, ou en Limoux blanc. 

Un cépage menacé

Ce cépage précoce avec ses petites billes serrées craint avant tout les gelées de printemps et l’humidité qui tend à remplacer le botrytis par la pourriture grise. Dans les fines bulles de Loire, il est souvent supplanté par le chardonnay, et en tranquilles, de plus en plus concurrencé par les rosés qui ont profité de l'abandon des coteaux et de la mécanisation des plaines. Le cépage était pourtant le roi du vignoble angevin jusque dans les années 30 ; il s’étendait même sur 70 % du vignoble au XIXe siècle. Mais le manque de clarification et de hiérarchisation entre blancs secs et liquoreux n’a pas joué en faveur du chenin.

Jusque dans les années 50, l’AOC Anjou pouvait, à l’instar de Vouvray et Montlouis, élaborer des vins secs ou moelleux selon les années « botrytisées » ou non. La différence de degré de sucres pour une seule appellation ayant été jugée incompréhensible pour le consommateur par l’administration de l’époque, Anjou et Savennières ont du se cantonner aux secs tandis que Chaume, Quart-de-Chaume, Bonnezeaux et Coteaux du Layon étaient réservés aux moelleux. Le dérèglement climatique a hélas pénalisé ce manque de souplesse. 

Crus en chemin

L’obtention de crus en Anjou sec, correspondant à des lieux-dits, pourrait lui redonner un nouvel élan. Cinq crus devraient bientôt être validés par l’Inao, Montchenin, le plus grand (63 ha), La Tuffière, le plus petit (2,43 ha) mais également Les Bonnes Blanches, Les Treilles et Ardennay. «  Il sagit de redonner ses lettres de noblesse à lexpression mixte du chenin sur nos terroirs qui sont capables de produire à la fois des secs, des demi-secs et des liquoreux bien que nous soyons plus connus aujourdhui pour les liquoreux » revendique Patrick Baudouin, co-président de l’appellation Anjou qui milite pour la valorisation du chenin sec avec un cahier des charges plus rigoureux (en monocépage, sélection parcellaire, vendanges manuelles).

Chenin à table

Le chenin développe des arômes plutôt floraux (fleurs blanches, tilleul, acacia) et fruités (abricot, poire, pomme, pêche, coing, agrumes), parfois sur de miel et en général portés par une belle vivacité et une acidité lui offrant un joli potentiel de garde, en particulier en Savennières, Jasnières, Montlouis où il trône en monocépage.

Il est à marier avec des viandes blanches (volaille à la crème, blanquette de veau), des poissons d’eau douce ou de mer, grillés ou en sauce, un foie gras frais, des fruits de mer, des plats de légumes gratinés, des fromages de chèvre ou des pâtes cuites.

En moelleux et liquoreux, il peut se boire seul ou avec un poulet au curry, une cuisine asiatique ou indienne épicée, des fromages persillées, des desserts aux fruits, tarte aux pommes, clafoutis à l’abricot…

Les fines bulles se servent à l’apéritif et s’harmonisent également avec des rillettes et des fromages.

Frédérique Hermine.

© Interloire