La France, véritable terre de distillation

Le nombre de distilleries installées sur le territoire national ne cesse de se développer. Une tendance qui semble prendre de l’ampleur. Explications.

Création de distilleries en France : Les chiffres

Comme l’a révélé Baptiste François, le fondateur de la Distillerie Baptiste, installée à Saint-Étienne-de-Chomeil, dans le Cantal, pas moins de 130 nouvelles distilleries ont vu le jour en France l’an passé. Un véritable record !

En 2020, 85 nouvelles distilleries avaient déjà été créées. Même chose en 2018 et en 2019.

En 2017, il y avait eu 45 créations, tout comme en 2016.

Le jeune distillateur précise également que seulement 20 distilleries avaient été fondées par an en moyenne entre 1980 et 2015 et 7 par an en moyenne entre 1950 et 1980.

Même si ces sociétés enregistrées en code APE 1101Z ne sont pas toutes équipées d’un ou plusieurs alambics, à l’instar de celles qui produisent des rhums arrangés par exemple, ces chiffres illustrent clairement l’important développement des distilleries sur notre territoire.

Essor des distilleries : Un phénomène mondial

Distillerie de Paris dans le 10e arrondissement

Cet essor des distilleries ne se limite évidemment pas à la France. D’ailleurs, c’est aux États-Unis que le mouvement est né au début des années 80 avant de monter en puissance il y a une vingtaine d’années. Depuis, à l’image des brasseries, ce sont le plus souvent des micro-distilleries qui fleurissent aux quatre coins de la planète. Il s’agit en effet de structures de petite taille qui produisent généralement plusieurs spiritueux de façon artisanale et ce en petite quantité.

Le développement actuel des distilleries est également à l’origine du retour de la distillation au cœur des villes. Si certaines d’entre elles misent sur un cadre bucolique, d’autres ont en effet posé leurs alambics au cœur de New York, Londres, Bangkok et même Paris.

Dans la capitale, Nicolas Julhès a ouvert la voie en créant, en 2015, la Distillerie de Paris dans le 10e arrondissement après un siècle d'interdiction. Trois ans plus tard, Julien Roques a créé la distillerie Bacae dans le 4e arrondissement (voir interview). Un nouvel acteur, la Distillerie du Viaduc, devrait prochainement voir le jour dans le 12e arrondissement.

Pourquoi le nombre de distilleries ne cesse de se développer ?

  • Comme l’a dévoilé le baromètre Sowine/Dynata 2022, 42% des Français s’intéressent à l’univers des spiritueux. Si ce résultat est en légère baisse par rapport à 2021, l’enquête montre également que la premiumisation des spiritueux se poursuit. Les Français consomment donc un peu moins mais mieux. Résultat, ils jettent plus facilement leur dévolu sur des produits artisanaux élaborés par des micro-distilleries.
  • Le « made in France » a résolument le vent en poupe. Pour preuve, l’an passé, même les ventes de spiritueux traditionnels hexagonaux que sont l’armagnac, le calvados et le cognac, des eaux-de-vie un temps boudées par les consommateurs, ont progressé. De quoi favoriser nos distilleries nationales.
  • Par ailleurs, l’Hexagone a également trouvé sa place sur la mappemonde du whisky et du gin. Le premier est le spiritueux le plus consommé en France. Le second est celui qui enregistre la plus forte croissance ces dernières années. Un succès qui encourage la création de nouvelles distilleries.
  • Les consommateurs sont de plus en plus informés et exigeants. Quant aux nouvelles distilleries, elles sont nombreuses à avoir une approche locavore et éco-responsable. Des partis pris en phase avec les attentes du public, d’autant qu’elles font généralement preuve d’une grande transparence.
  • Les amateurs sont également curieux : ils sont souvent en recherche de découvertes et même d’originalité. Les nouvelles distilleries, qui n’hésitent pas à expérimenter, sont souvent les mieux placées pour répondre à cette attente.
  • Le spiritourisme monte en puissance. De plus en plus de distilleries françaises ouvrent en effet leurs portes au grand public. Une façon de faire découvrir leur outil de production, leur philosophie et leurs produits, mais aussi de créer du lien et, par là-même de garantir la fidélité des clients.

Trois questions à Julien Roques, fondateur de la distillerie Bacae

Julien Roques
 Julien Roques

Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans l’aventure des spiritueux ?

J’ai grandi entre la Martinique et le Gers, autant dire entre le rhum et l’armagnac. J’ai travaillé dans les énergies renouvelables et j’ai eu un restaurant, mais j’avais envie de m’engager davantage dans la création de produits. En 2016, j’ai décidé de me lancer : j’ai eu les autorisations fin 2017.

Vous étiez à l’origine équipé d’un rotovap. Pour quelles raisons venez-vous d’ajouter un alambic traditionnel à votre outil de production ?

Cela nous permet d’avoir accès à deux techniques de production. Le rotovap, qui est un outil de distillation sous vide et à froid, est une technique pertinente pour élaborer du gin. Les botaniques étant peu chauffés, cela permet de dégager une aromatique assez proche de la matière sèche. Début 2019, nous avons eu envie d’élargir notre gamme avec un amer et une absinthe. Pour cela, nous avons fait l’acquisition d’un alambic en cuivre Müller d’une capacité de 230 litres, doté d’une colonne à trois plateaux et d’un « gin basket » qui permet de réaliser des extractions aromatiques à la vapeur. Ce nouvel outil nous donne la possibilité d’élargir notre horizon et de produire par exemple à l’avenir des eaux-de-vie de fruits ou du whisky ce qui n’est pas possible avec un rotovap.

Rotovap pour le vin rouge
Rotovap

Vous produisez également des spiritueux sur-mesure. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Nous proposons en effet à nos clients professionnels de créer leur gin sur-mesure. C’est une vraie valeur ajoutée pour ceux qui ont l’envie et le temps. Nous n’avons pas de pré-recette : pour chaque collaboration, nous partons d’une feuille blanche et cela peut prendre trois mois avant que le produit ne voie le jour. Nous avons déjà imaginé des recettes sur-mesure pour une vingtaine de clients. Avec le même désir d’expérimenter et de partager, nous organisons aussi des ateliers pour le grand public. Depuis 2018, plus de 2 000 personnes sont venues à la distillerie composer leur gin à l’occasion de ces ateliers hebdomadaires, animés par l’équipe de production.

Cécile Fortis - Juin 2022.